Et si on changeait enfin de fiscalité

Paru dans l'Echo - 22 juin 2012 par Bernard Lambrecht, Frédéric Nyssens, Yann Gall - Membres d'Energies Réformatrices

Que ce soit dans la récente campagne présidentielle française ou dans les médias belges, la fiscalité est plus que jamais au coeur du débat. Quoi de plus logique, elle est le socle sur lequel repose le fonctionnement de l'État. Sans un système permettant de prélever une partie de la richesse produite dans le pays, les services publics ne pourraient fonctionner. Nos impôts, taxes et cotisations constituent le carburant qui fait rouler le véhicule étatique, en ce compris les programmes de protection sociale.
Le Conseil de l'Union européenne vient de transmettre ses recommandations à la Belgique. Sans surprise, il encourage nos dirigeants notamment à "réorienter de manière significative la charge fiscale du travail vers des taxes ayant un effet de distorsion moins important sur la croissance". Concrètement, il s'agit d'une invitation à revoir, en profondeur, une fiscalité qui n'est plus en phase avec le monde post-industriel et post-productiviste d'aujourd'hui.
Dans notre pays, la fiscalité repose toujours lourdement sur le travail. La fiscalité indirecte, la fiscalité sur la consommation ne représente que 30% de la taxation perçue. C'est l'un des taux les plus bas d'Europe. La fiscalité environnementale est également une piste mise en avant dans les recommandations du Conseil de l'Union européenne. Ici encore la Belgique se classe dans le peloton de queue avec la Roumanie et la Grèce.
Une véritable réforme fiscale en Belgique ne devra pas se faire au détriment du revenu des classes moyennes, déjà lourdement frappée par les taxes. La fiscalité sur le travail doit être ramenée à des niveaux raisonnables afin de redonner du pouvoir d'achat aux salariés. Certes, on rétorquera que cela constituera un manque à gagner pour l'État. Mais celui-ci pourra être largement compensé par une réduction de la dépense publique et par d'autres sources de revenus. L'inventivité, la simplicité, l'efficacité et l'éthique doivent être à la base de cette nouvelle manière de percevoir les moyens propres à l'accomplissement des missions dévolues aux pouvoirs publics.

Une fiscalité qui encourage le consommateur
Une révision des taux de TVA sur des produits ciblés, et ce en vue d'alléger les revenus du travail, ou encore le retrait des diverses exemptions et taux réduits à l'impact douteux pourraient augmenter substantiellement les revenus de l'État. Via les taux différenciés, la fiscalité doit également inciter à des comportements plus soutenables, notamment en termes de santé publique ou d'environnement. En bref, une fiscalité pour promouvoir le consommateur citoyen plutôt que pour dissuader le travailleur. À titre d'exemple, au Danemark, les produits contenant plus de 2,3% d'acides gras subissent une taxe supplémentaire d'un peu plus de 2 euros par kilo de graisse, qu'ils soient produits localement ou importés. En effet, si on taxe le tabac pour son effet négatif sur la santé, pourquoi ne pas taxer les aliments qui nuisent à la santé?
Dans le même ordre d'idées, pourquoi ne pas soutenir une mobilité plus respectueuse de l'environnement et de la qualité de vie? La taxation sur l'immobilier, comme l'a récemment préconisé le FMI, doit également être revue et remise à niveau. Comment comprendre que la fiscalité immobilière fasse l'objet d'un traitement en complet décalage avec les réalités d'aujourd'hui (notamment avec des revenus cadastraux inchangés depuis 1975)?

Utiliser l'argent récolté
En parallèle, toute révision profonde de la politique fiscale doit aller de pair avec une révision profonde de la manière dont l'État utilise l'argent qu'il récolte. Dans beaucoup d'administrations, de services et d'entreprises publiques, il est possible de faire mieux en consommant moins de moyens.
Que ce soit en améliorant l'efficacité énergétique des bâtiments de l'État; en accroissant la productivité du personnel là où c'est possible; en abolissant des procédures désuètes là où l'électronique peut nous simplifier la vie; en luttant contre cette mauvaise habitude, dans les organismes publics, de dépenser à tout prix son budget en fin d'année de peur de recevoir moins de moyens l'année qui suit; en rationalisant les structures de gouvernance
publique. La Belgique croule sous le nombre de niveaux de pouvoirs, d'organismes publics et de mandataires qui y sont attachés.
D'une manière générale, le citoyen aura davantage de bienveillance envers l'administration fiscale s'il sait que son argent est bien utilisé. Ainsi, la DG Taxud de la Commission européenne (Tax Reforms in EU Member States 2011) précise qu'il existe une sérieuse marge de manoeuvre en Belgique pour améliorer l'efficacité de la collecte des taxes en Belgique, notamment en étant moins gourmand en frais de fonctionnement.
Un grand nombre d'États européens, dont la Belgique, ont vécu trop longtemps au-dessus de leurs moyens. Le contexte dans la zone euro est désormais beaucoup moins conciliant envers le laxisme budgétaire, les cigales paieront cher les erreurs du passé, mais dans le sillage du Pacte budgétaire européen, la règle d'or semble désormais une réalité inscrite dans le marbre. Que ce soit au niveau belge ou européen, il est temps de réformer en profondeur pour remédier aux dysfonctionnements d'une gouvernance publique et économique inadaptée à un monde qui change rapidement. Il n'y a pas d'alternative, y renoncer c'est se résigner à la marginalisation de la Belgique et de l'Europe.
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